• Une nuit de Noël sans chichi

     Moi qui suis habituée à célébrer Noël en petit comité, avec une famille à effectif réduit qui ne conçoit le repas de Noël que le 25 décembre à midi, moi qui suis habituée au repas sage, aux mets défilant cérémonieusement les uns après les autres, à l'alcool servi avec parcimonie sur la table du banquet -vin blanc sur le foie gras et les huîtres, rouge pour la viande, mousseux au dessert- me voici invitée à passer le réveillon chez une famille argentine pour venir chambouler et virevolter toutes ces habitudes.

    NOËL EN ETE: Chapitre 2


    C'est une agréable nuit d'été et une quinzaine d'invités sont attendus dans cette petite villa de San Martín, dans la banlieue de Buenos Aires. La table est dressée, longue, immense, tout au fond dans la  petite cour à l'arrière de la maison, tout près du barbecue. Elle est joliment décorée et parée de nappe en papier arborant du houx et des branches de sapins. Toujours cette drôle d'ambiance hivernale alors que le temps est plutôt à la plage et parasol...
    J'entre dans cette maison un peu impressionnée. Un magnifique arbre de Noël trône dans le salon.  On s'affaire autour de moi, ça volète, ça virevolte, s'interpelle. Échange de sac et d'abrazos, de cadeaux empaquetés au pied du sapin et de salutations effusives. La traversée  de la maison jusqu'à la table du repas sera plus longue que prévue : on m'embrasse, me prend dans les bras. Au fur et à mesure que j'avance, je croise encore et toujours plus de monde... J'ai l'impression que la liste des invités n'en finit pas de s'allonger alors que j'ai à faire à deux ou trois familles, tout au plus. Même le gros labrador est de la partie et vient me saluer.  Je distribue les embrassades, les encantada et les mucho gusto, je ne sais plus où donner de la joue.


    L'ambiance est fort animée. « On est amis depuis plus de 20 ans, alors tu penses, faut pas faire attention aux bêtises que tu vas écouter! ». Et effectivement, autour de la table ça s'interpelle, se salue , on rit à gorge déployée. La française arrive, les visages s'éclairent,  je sens les regards peser sur moi.  Il faut dire que je suis un peu l'attraction, l'événement, la touche d'exotisme des fêtes 2014 pour tous ces gens.... une française pour Noël, ça alors !  La seule étrangère de la soirée bien évidemment.


    Un rire sonore retentit. Une voix de ténor, syllabes traînantes et mélodieuses d'un accent portègne à couper au couteau , cheveux grisonnants et boucles tombant sur la nuque : c'est le maître de maison qui plaisante.

    -Hahaha, ici avec nous , je ne sais pas si tu es tombée sur le meilleur de l'Argentine! Celui-ci est un peu fou, celui-là boit beaucoup... ajoute -t-il en désignant d'autres convives.
    Et c'est à savoir qui représentera le mieux son pays, qui sera le plus ou le moins cliché de tous... Pourtant, lui et son accent chantant et musical, son épouse aux cheveux longs, lisses et impeccables, font partie de ces argentins qui, s'il est un peu hâtif de les qualifier de "typiques" ou "représentatifs", sont du moins de ceux qui attirent l'attention.

    La maîtresse de maison  me présente les invités, machin, truc, sa fille, son beau fils, le bébé, la grand mère..  Trentenaires,  sexagénaires, adolescents, bébé, grand-mère, tous les âges et toutes les générations sont représentées. Plusieurs familles, amies de longue date. Car ici c'est la communauté ce qui compte, la force du groupe, que l'on soit parents ou non cela n'a pas d'importance, ce qui compte c'est juste l'envie d'être ensemble.

    Très vite, je suis entourée des « mamans ». On  m'explique gentiment  :
    -Alors ici en Argentine, faut pas être timide , il ne faut pas avoir honte, tu prends ton assiette, tu vas te servir, tu te ressers si tu en as envie, pas de formalités,  on attend pas que tout le monde soit servi pour manger
    Puis, sur le ton de la confidence :
    - On a fait simple, cette année. Pas de grillade, pas de viande. Il fait tellement chaud, chaque année, on mange toujours beaucoup trop !

    Si comme moi, vous êtes d'une famille où l'on vous demande à chaque coup de téléphone: « tu manges bien, quand même ? », où on s'inquiète de votre poids à chaque réunion familiale, cela vous rappellera quelque chose. L'éternelle rengaine de votre grand-mère ou de votre tante, qui prône l'ascèse et la sobriété en apportant le énième plat et qui vous remplit encore l'assiette pour la troisième fois consécutive... Et bien oui, en Argentine aussi, votre Mamie ou votre Tatie sont là!


    En tout cas, ce soir-là,  le repas n'en fini pas de me surprendre, car nous sommes un soir d'été voyez-vous,  et cela change pas mal de choses  en ce qui concerne les coutumes culinaires.
    Le repas est un buffet froid, les plats sont là-bas de l'autre côté de la table, chaque maîtresse de maison en a préparé un différent, et c'est vrai que, de loin, que cela ne semble pas trop abondant. Mais c'est sans compter sur la consistance de chacun et la viande en sauce qui trône ensuite sur la table, la glace du dessert (Oui la glace du glacier du coin, la glace argentine dans toute sa splendeur) et les petites gourmandises qui suivent et ne s'arrêtent pas :  bonbons etc
    Parmi le buffet libre, je découvre avec délectation la salade d'avocat-crevette, et avec surprise le matambre et le piononno, deux délices "enroulés" . Le premier est une espèce de roulé de rôti fourré de légumes, le second une variante sucrée-salée de la bûche de Noël, c'est-à-dire le biscuit sucré de la bûche, farci de thon-mayo ou de jambon blanc, coeur de palmier et fromage frais. Je sais, comme ça, la description semble peut-être peu appétissante pour certains, mais je vous jure qu'au goût c'est un vrai délice, surtout le matambre !!

     Le Pionnno

     

    A minuit, c'est le grand moment de la soirée bien-sûr. On a même droit aux feux d'artifices tirés par les voisins. Puis tout le monde se dirige avec enthousiasme vers le sapin pour ouvrir les cadeaux. C'est un joyeux vacarme. Une personne est chargée de les distribuer, criant le nom inscrit sur le paquet.  Quelle n'est pas ma surprise d'entendre le mien plusieurs fois d'affilée !
    Je suis émue,  je reçois les mêmes cadeaux que toutes les filles présentes, un petit bijou, un pyjama, trois fois rien mais, depuis ma perspective, ce trois fois rien prend une valeur incommensurable. Je suis à des milliers de kilomètres de chez moi, avec des personnes qui ne me connaissaient  quasiment pas auparavant et qui ont pourtant pris la peine de m'intégrer à chacun des moments  de la fête. Je remercie tout le monde en balbutiant, m'abandonnant avec bonheur et délectation à la tradition argentine de l'embrassade, je suis touchée et ne sais comment l'exprimer, je suis surtout émue du naturel de la situation : pas de chichi, pas de cérémonie, pas de formalités. Tout cela est normal pour les gens qui m'entourent.


    Le repas se poursuit, le dessert, puis les petits biscuits, les petits bonbons en chocolat, l'alcool et les liqueurs aussi. Les conversations vont bon train : on parle de football, de Messi, et même du pape, enfin, des personnalités argentines du moment, on m'interroge sur le vin français, puis déjà il est tard, il est l'heure de rentrer : il est plus de 5h du matin. Je me couche à 6h .  Trop tard pour être à l'heure pour la grillade du lendemain à midi...

    Déjà c'est terminé. Voilà Noël est passé. Toujours cette même pointe de nostalgie, cette année accompagnée d'une petite pensée pour le foie gras et les huîtres, qui, là-bas sur les tables françaises ont été dévorés par des papilles n'appréciant pas assez ces saveurs trop famillières.

    Un brin nostalgique, épuisée mais repue du piononno, de la salade de crevette-avocat qui déchire, du regard bienveillant de ces gens qui m'ont fait me sentir comme à la maison, qui m'ont adoptée comme l'un des leurs pour une soirée et qui m'ont fait oublier un instant que, pour la première fois de ma vie, je viens de passer Noël à plusieurs milliers de kilomètres de chez moi, loin des fermes du Périgord et des ostréiculteurs de Bouzigues. Et que cela a valu la peine.

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  • Les couleurs de Noël

    Préparer et vivre les fêtes en Argentine, c'est entrer dans un univers de grande contradiction, comme ailleurs j'imagine, dans l'hémisphère sud.

    Le 21 décembre a lieu ici le solstice d'été, et donc, comme il se doit, les alentours du 24 décembre sont équivalents à notre nuit de la Saint-Jean. La nuit la plus courte de l'année. Pourtant, contrairement à ce que l'on pourrait imaginer, les argentins ne vivent pas une tradition de Noël typiquement  estivale. Car Noël est une fête importée, tout comme la plupart des habitants de Buenos Aires, qui la célèbrent sur la base des habitudes de leurs ancêtres européens. Toutefois, et selon les dires de chacun, avec le temps  et les générations, ces habitudes se sont adoucies un peu en terme culinaire, par exemple, car je vous assure manger du panettone et des fruits secs en pleine chaleur n'est pas un mince affaire...

    Surtout, au fur et à mesure que l'été s'installe, je suis interpellée en voyant dans les vitrines, les « attributs » classiques de Noël. Certes, le consumérisme frénétique auquel je suis habituée à coup de grandes lumières, de sapins énormes, profusion de jouets, de boules scintillantes et pluie de paillettes n'a pas vraiment sa place. Pas d'illuminations dans les rues, pas de grandes vitrines trop tape à l'oeil. Noël se fait plus discret ici. Mais quelque chose ne cadre pas vraiment et je ne comprends pas toute de suite pourquoi... pas seulement parce que je suis habituée à voir ces symboles sous un autre climat, mais aussi car, et je ne m'en étais jamais rendue compte auparavant, le sapin, les flocons, le papa Noël en gros manteau et bonnet à fourrure... tout cela, c'est l'hiver. Et ce sont les mêmes symboles qui sont réutilisés ici, tels quels. Sans aucun transformation ni modification.
    Je me rends compte aussi que Noël, mon Noël qui me semblait bien traditionnel , bien à nous, si authentique n'est en fait rien de plus qu'un élément de la culture globalisée. Et je n'avais jamais remis en question cette suposée « tradition ». Car en fin de compte,  et j'en prends conscience avec effarement, tous ces symboles,  le Papa Noël ses rennes, et sa longue barbe proviennent des Etats-Unis, les vêtements du grand homme barbu ont été véhiculés par Coca Cola. Donc, voilà en Argentine comme ailleurs, dans un centre commercial, les enfants vont naturellement se faire prendre en photo avec un Papa Noël, en bottes, gant et bonnet, tout près du bonhomme de neige qui vous souhaite de joyeuses fêtes, tandis que la climatisation tourne à plein régime et les passants se promènent en tongs.

     

    NOEL EN ETE:   chapitre 1

    Les classiques couleurs rouges et vertes se font aussi un peu lourdes finalement et  ne correspondent pas à vraiment à l'ambiance estivale. Il me semble qu'en été, on a envie d'autres couleurs plus gaies, plus bigarrées. Mais ne soyez pas déçus, car pour les fêtes en Argentine, outre le rouge et le vert, d'autres couleurs sont à l'honneur...

    Car les magasins de vêtements, en revanche, se préparant aux festivités du premier de l'an ont une tout autre devanture. Pour l'année nouvelle, il est classique de se souhaiter : paz, amor, alegría (paix, amour,  joie), du moins c'est ce que suggère les boutiques. Il est aussi d'usage de s'habiller en blanc. Au Brésil, c'est la même chose, on peut aussi s'habiller en rouge ou en jaune et on choisit en fonction de ce que l'on souhaite pour l'année qui vient : blanc pour la paix, rouge pour l'amour, jaune pour l'argent.  Le plus courant reste le blanc. L'Argentine a choisi la paix. Alors, à l'approche de la Saint Sylvestre, les vitrines se couvrent de blanc immaculé.

     

    NOEL EN ETE:   chapitre 1


    Mais, en ces dates, une autre couleur aussi prend le devant de la scène : le rose... Ce sont d'autres types de magasins qui la revêtent. Ce sont les lingeries. Le rose de la petite culotte. La petite culotte rose de Noël, cela vous a surpris ? Et bien à moi aussi ! Et, comme je veux maintenir un peu de suspense, je vais laisser ce sujet pour un autre chapitre..

    NOEL EN ETE:  Les couleurs de Noël



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  • Des formes et des couleurs rigolotes, qui attirent l'oeil, voilà le point commun de ces trois-là :

     

    ... LE VENGEUR MASQUÉ...

    Benteveo común

    Tyran Quiquivi

    Pitangus sulphuratis

    Le hit parade des oiseaux: les 3 rigolos

     Voilà un des oiseaux les plus courants tant à la ville comme à la campagne et qui attire forcément le regard de l'européen. Il porte des noms différents tous liés à son cri bien particulier (ben te veo : je te vois bien, bicho feo :bête moche etc..) Mais moi, avant de savoir tout ça, c'est son plumage qui avait attiré l'attention, son poitrail jaune et surtout cette mince bande noire sur les yeux : je lui avais trouvé un autre surnom... « tiens c'est l'oiseau masqué qui revient » dans le jardin de mon amie, je passe toute une matinée à lire et chaque fois ce même oiseau se pose au même endroit, apportant un fruit qu'il tente d'ouvrir avec son bec, et poussant son cri spécifique.

    Il s'avère que cet animal est des plus courants dans une grande partie de l'Amérique, du Texas jusqu'au province la plus septentrionale de la Patagonie, mais toujours à l'est de la cordillère des Andes. Lui aussi, comme le hornero, construit son nid en couple

    Plusieurs croyances associent le chant du benteveo à un présage de bonne ou mauvaise augure. A certains endroits si on le voit chanter près d'une maison à midi il prévient de l'arrivée inespérée d'une personne, parents, amis ou inconnus, aillleurs, on l'interprètera comme l'annonce d'une naissance. Dans les zones rurales du littoral argentin le voir chanter près d'une maison est signe de mauvaise augure et on l'éloigne aussitôt.

     

    LE PETIT CISEAU...

    Tijereta

    Tyran des savanes

    Tyrannus savana

    La tijereta

    Comment ce petit oiseau peut-il passer inaperçu, avec sa longue queue qui peut atteindre 2 à 3 fois la taille du corps chez certains mâles ? Son nom en espagnol signifie « petit ciseau » (tijera), et c'est bien ce que à quoi sa longue queue ressemble une fois en vol... On ne peut trouver plus gracile et rafinée. C'est un oiseau migrateur, qui arrive dans les plaines de la Pampa au printemps pour se reproduire et  repart ensuite vers le nord une fois la reproduction terminée.

     

    LES COULEURS FLASHYS...

    Cotorra 

    Cornure veuve, Perruche Moine ou  Perruche-souris

    Myiopsitta Monachus

    la cotorra

    Non vous ne rêvez pas, vous la connaissez déjà cette perruche exotique , celle-là même que l'on trouve  au rayon animalerie du centre commercial est en fait... argentine.

    Certains d'entre vous,  s'ils connaissent Barcelone ou Marseille,  l'ont peut-être déjà observée à l'état sauvage dans les parcs et les zones vertes de la ville. Ici, c'est un animal des plus communs dans la campagne aussi. Son vert et son bleu flashys sont en fait un excellent camouflage entre les feuilles des arbres, mais ses cris stridents et jacassements la délatent immédiatement. La plantation d'arbres de la main de l'homme, dans la plaine de la Pampa, qui en est habituellement dépourvue, a favorisé son expansion. En effet, son nid est construit à la cîme des arbres et semble un bric-à-brac de branches , mais possède en réalité une solide structure, à laquelle les perruches ajoutent chaque année de nouvelles galeries, et peut donc atteindre des dimensions importantes.  Cette « maison à rallonge» est en fait... un HLM,  un nid communautaire, caractéristique unique de ce type de perroquet.

    Le hit parade des oiseaux: les 3 rigolos

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